Au Bénin, la loi sur l’avortement votée en 2021 continue de susciter des débats. Au cours d’un atelier à Porto-Novo mardi 22 octobre 2024, le RFLD a plaidé pour “un dialogue franc et respectueux autour de cette question essentielle pour la santé et les droits des femmes”.
La question de l’interruption volontaire de grossesse reste un sujet sensible, malgré son encadrement juridique au Bénin, reconnaissent les panélistes et invités à la “Campagne de sensibilisation et d’éducation communautaire”. Les participants pointent du doigt la stigmatisation et la désinformation comme les principales causes des réticences et résistances entravant la mise en œuvre de la loi en vigueur depuis décembre 2021.
Initiateur de l’atelier regroupant diverses couches de la société, le Réseau des femmes leaders pour le développement (RFLD) appelle à “combattre la stigmatisation et renforcer l’accès à l’avortement sécurisé”.
Le RFLD soutient que ce combat devrait mobiliser tout le monde. L’association dit mener déjà “des actions citoyennes féministes” à travers une série de “discussion de groupe sur l’avortement sécurisé et légal” au Bénin.
Briser le mythe
La loi donne la possibilité de recourir aux soins d’interruption volontaire de grossesse dans les hôpitaux. Mais l’avortement ne peut être confondu aux méthodes de contraception, précise la présidente du RFLD, Dossi Gloria Agueh :
“L’avortement au Bénin est légal jusqu’à 12 semaines de grossesse depuis 2021 grâce au vote de la loi (…), lorsque la poursuite de la grossesse met en danger la vie et la santé de la mère [détresse psychologique ou maladie organique]. C’est à la demande de la femme lorsque la grossesse est la conséquence d’un viol ou d’une relation incestieuse, lorsque l’enfant à naitre est atteint d’une affection d’une particulière gravité au moment du diagnostic”.
Dossi Gloria Agueh poursuit que les conditions fixées par la loi motive à “briser le silence sur le mythe qui entoure l’avortement sécurisé. Ensemble nous avons le pouvoir de briser le silence qui entoure le sujet devenu tabou”.
Les organisateurs encouragent à la prise d’initiatives visant à vulgariser ladite loi. Ces derniers considèrent les séances de sensibilisation comme un moyen efficace pour limiter les avortements clandestins.
La promotion de l’autonomie corporelle de la femme en dépend selon Agathe Gemma Todjinou-Deguenon, panéliste communicatrice sur les Droits reproductifs et autonomie corporelle. L’avortement, “c’est un mot qu’on ne peut pas dire comme ça avant la loi de 2021. Mais, c’est possible aujourd’hui”, se réjouit la communicatrice. Agathe Gemma Todjinou-Deguenon invite à une action collective pour éduquer jeunes et adultes aux questions de sexualité en vue d’éviter au grand nombre, la consommation “des toxines, des médicaments utilisés pour mettre en danger la vie de la mère”.
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Et chaque fois qu’il y a une perte de vie humaine dans ces conditions, c’est le Bénin perd une potentielle ressource, souligne le juriste Brice Agueh évoquant les Lois sur l’avortement à l’international. Brice Agueh rapporte que “les pays aussi conservateurs comme l’Arabie Saoudite ont décriminalisé l’avortement”.
Pour Brice Agueh, le Bénin n’a fait que s’aligner sur les recommandations internationales notamment ‘’le protocole de Maputo’’ en dépénalisant l’avortement médicalisé pratiqué dans les conditions légales par :
- “l’abrogation de la loi du 31 juillet 1920, relative à la propagande, à la pratique anticonceptionnelle et à l’avortement, qui criminalisait l’avortement ; et
- la promulgation de la N°2021-12 du 20 décembre 2021 modifiant et complétant la loi N°2003-04 du 03 mars 2003, relative à la santé sexuelle et à la reproduction ; et l’abrogation des dispositions antérieures contraires notamment celles de la loi n°2015-08 du 08 décembre 2015 portant code de l’enfant en République du Bénin.”
Où et qui ?
Le service d’avortement se rend dans un centre de santé agréé et dans les conditions fixées par la loi, insiste la présidente du RFLD, Dossi Gloria Agueh. Et cela, parce que “la santé et la sécurité des femmes” sont des facteurs à ne pas négliger, explique-t-elle.
D’ailleurs, “c’est un médecin ou un personnel de santé qualifié qui examine la grossesse et donne l’autorisation d’interrompre la grossesse en se référant aux conditions déterminées par la loi”, clarifie Michel Bohoumbo, spécialiste en Santé communautaire.
Le RFLD s’engage à maintenir le rythme de la sensibilisation en associant les agents de santé, les leaders religieux et d’autres couches socio-professionnelles. Le réseau féministe du Bénin tient ainsi à ce que personne n’ignore ladite loi.