Malgré l’existence d’une loi sur l’avortement sécurisé au Bénin, de nombreuses femmes et jeunes filles meurent encore des suites d’avortements clandestins dans le pays. Pour celles qui s’en sortent vivantes, certaines gardent des séquelles à vie. Pourtant permettre au personnel qualifié de fournir ce soin serait un grand pas pour préserver des vies.
C’est en pleurs que Anita partage sa douloureuse expérience suite à un avortement clandestin. Il y a trois ans, elle a failli perdre la vie après un avortement non sécurisé. Elle tient dans ses bras son fils. “Tu serais orphelin aujourd’hui si j’étais décédée”, éclate-t-elle en sanglots. Six mois après son premier accouchement, la jeune fille de 22 ans avait contracté à nouveau une grossesse.
““J’ai exigé le préservatif à maintes reprises mais Farouck m’a toujours opposé un refus catégorique. Quand j’ai découvert que j’étais enceinte, il a estimé que nous n’avons pas encore les moyens de subvenir aux besoins d’un deuxième bébé. “Tu dois interrompre ta grossesse” m’a t-il lancé sans aucune autre forme de procédure.
Selon les convictions réligieuses de Farouck, l’avortement est interdit. Pourtant c’est l’issue qui arrange bien la jeune nourrice. “J’aurais certainement perdu mon emploi si mon patron l’apprenait”, se remémore-t-elle.
Une semaine après avoir pris leur décision, le couple se rend au domicile de l’infirmier. Ce jour, elle était la deuxième fille programmée sur la liste de l’infirmier. Je paniquais mais mon époux était confiant “Tout va bien se passer. Nous allons bientôt rentrer. Tu sais que si nos parents apprennent que tu es de nouveau enceinte, ils nous feront encore des remontrances. Je ne peux le supporter” disait le jeune papa.
Malheureusement, l’infirmier consulté ce jour-là n’était pas qualifié pour l’intervention : “Je saignais abondamment mais il nous a rassurés que ça allait passer. Les douleurs devenaient insoutenables, je me suis réveillée après trois jours dans cet hôpital”. A mon réveil, toutes nos deux familles étaient informées de notre forfait. “Je venais de perdre mon utérus. J’ai eu la vie sauve grâce à ses médecins qui m’ont pris en charge automatiquement mais je ne pourrai plus jamais concevoir. Il faut qu’on punisse ce soit disant infirmier et que la société nous laisse le choix de recourir à un avortement sécurisé ”, raconte t-elle la gorge nouée, rongée par la culpabilité.
Loi sur l’avortement, à quand sa mise en application
Bien que les députés aient voté de la loi N°2021-12 qui dépénalise l’avortement, de nombreux obstacles entravent encore l’accès à l’avortement sécurisé au Bénin. La stigmatisatison, les pesanteurs sociales, la criminalisation de l’avortement par les réligieux constituent quelques obstacles qui entravent le recours à ce soin médical.
Tous ces facteurs ne constituent pourtant pas un frein aux femmes qui désirent recourir à l’avortement et qui le font donc clandestinement pour échapper au jugement populaire.
“Le père de Farouck est un imam très connu dans notre village. C’était donc difficile pour nous de nous rendre dans un centre de santé pour recourir à ce soin de santé”, témoigne Anita. Selon les chiffres avancées par le gouvernement, au moins 200 femmes meurent, chaque année, au Bénin des suites d’un avortement non sécurisé.
Après cette expérience douloureuse, Anita a décidé d’épargner la vie de nombreuses jeunes filles. Elle travaille désormais aux côtés des agents de santé et fait partie des organisations non gouvernementales qui œuvrent pour le respect des droits en santé sexuelle et reproductive. C’est au cours d’une sensibilisation qu’elle a fait la rencontre de Joannie qui venait d’obtenir le Bac avec une bourse mais était enceinte. Son experience a servi d’exemple à Joannie qui a choisi fait l’option d’un avortement sécurisé.
Déconstruire les idées reçues, permettre aux femmes d’opter pour un avortement sécurisé en cas de grossesse non désirée pourraient sans nul doute être la solution pour sauver la vie de de nombreuses jeunes filles.