Les violences conjugales sont monnaie courante dans plusieurs ménages au Bénin. Selon une enquête de l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique, en 2020, près de 30% des femmes béninoises ont été victimes de violences physiques, sexuelles ou émotionnelles de la part de leur partenaire. Face à ces violences qui touchent particulièrement les femmes sans emploi, comment les survivantes peuvent-elles se relever ?
Rinaï (prénom d’emprunt), la quarantaine sourit à nouveau à la vie après ses expériences douloureuses de vie conjugale. “Je lui décerne la palme d’or pour les actes de violences : agressions physiques, insultes, menaces, abus sexuels, raconte-t-elle au sujet de l’homme avec qui elle a vécu 6 ans. Même après notre séparation, Gaspard (prénom d’emprunt) a réussi à me faire signer un document qui me fait renoncer à mes droits parentaux sur mes deux filles. Priver une femme de ses enfants est une violence” Mère de quatre enfants, Rinaï plongée dans le remords avoue qu’elle a été une fois de plus manipulée.
Violence et autonomisation de la femme, un lien indissociable
La dépendance économique est la principale cause des violences subies par de nombreuses femmes. Sans moyens financiers, la majorité des victimes se retrouvent dans une situation d’insécurité. Mère au foyer et sans emploi, Rinaï était dans l’incapacité de subvenir à ses propres besoins de subsistance. Son ex époux, maître absolu de la famille, lui avait carrément interdit une quelconque vie professionnelle. ”Je devais avoir son autorisation au moins trois jours avant de recevoir la visite de mes parents. J’avais 3 enfants et je devais me contenter de 35.000 FCFA de popote par mois. Que pouvait on faire avec ces sous qui ne couvraient pas nos repas quotidiens. Mes enfants et moi vivions dans la précarité. Malgré ces interdictions, j’avais tenté plusieurs fois en vain de trouver un emploi ”, relate-t-elle avec une grande émotion.
Diplômée en communication, Rinai avait cependant déjà fait ses preuves professionnelles auprès de plusieurs prestataires pour des services de marketing. Malheureusement, même son téléphone était contrôlé par son époux. Ses clients, après avoir essuyé plusieurs fois l’arrogance de ce dernier, ont dû l’abandonner à son sort. Son ex époux leur interdisait de la recontacter. “Il prenait régulièrement mon portable et effaçait les contacts qu’il jugeait suspects. Surtout les contacts de ceux qui pouvaient me donner du travail. Je ne devais pas non plus recevoir d’ appels au-delà de 20h”, se souvient-t-elle avec beaucoup d’amertume.
Violences sexuelles et spirituelles
Bien que les données sur les violences sexuelles dans les couples soient limitées au Bénin, des études de l’ex-Institut National de la Statistique et de l’Analyse Économique (désormais Institut national de la statistique et de la démographie) et des Organisations Non Gouvernementales montrent que les violences sexuelles dans les relations de couple sont fréquentes. Elles touchent environ 15% des femmes âgées de 15 à 49 ans, dont une grande partie est associée à des abus au sein du couple. “Avec Gaspard, j’ai été contrainte de me soumettre à tous types de pratiques sexuelles humiliantes et déshonorantes”, se plaint Rinaï.
Bien qu’elle se soit résignée à supporter cette relation toxique pour sa santé et ses enfants, l’envie d’y mettre un terme lui a plusieurs fois traversé l’esprit “dans notre société il existe des pratiques occultes pour contraindre les personnes notamment les femmes à subir sans réchigner des situations dégradantes. Tout se passe dans ces cas là comme si elles n’avaient jamais eu de cerveau pour réfléchir. Il m’a fallu retirer de mon doigt, la bague qu’il m’a donnée pour me rendre compte que j’étais au fond d’un trou”.
Dialogue et communication pour s’en sortir ?
Selon le psychologue Eric Gansa, ces violences conjugales trouvent leur origine dans les pesanteurs socioculturelles et économiques. Dans une société patriarcale comme le Bénin, la domination masculine dans le cadre conjugal est souvent perçue comme la norme. D’après le psychologue, il est difficile mais pas impossible d’échapper à ces déviances observées dans le couple. Le spécialiste préconise une communication ouverte et sincère avant et dans le mariage pour accorder les violons quant aux attentes de chaque membre du couple :
“Il est essentiel que les couples acquièrent la capacité d’exprimer leurs besoins et leurs frustrations de manière non violente. Il doivent s’écouter, éviter les jugements et les accusations, et chercher des solutions ensemble. Ils doivent aussi éviter de tenir des propos et de mener des actions frustrantes susceptibles de mener à des violences”