L’épilepsie touche environ 50 millions de personnes dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Si elle fait partie des maladies neurologiques les plus répandues dans le monde, elle demeure largement méconnue et stigmatisante, notamment en Afrique. Toutes choses qui entravent la prise en charge des patients.
A l’occasion de la journée internationale de l’épilepsie célébrée ce 10 février, nous avons interrogé Dr Fortuné Gankpé sur le sujet. Dans cet entretien, le neurochirurgien développe l’histoire de l’épilepsie et indique les moyens de prévention de la maladie.
Rédaction : Pouvez-vous nous expliquer ce que c’est que l’épilepsie ?
Dr Fortuné Gankpé : Il me plait de faire tout d’abord l’histoire de cette maladie.
L’épilepsie est l’une des plus vieilles maladies découvertes dès l’antiquité. Les premiers concepts relatifs à l’épilepsie existaient déjà 4500 avant JC. C’était le mal sacré, le mal de terre, le mal divin. Les épileptiques étaient considérés comme des personnes possédées et il fallait s’en éloigner et cracher dans leur tunique pour ne pas être contaminé.
Mais au plan médical, il s’agit d’une décharge électrique excessive dans un groupe de cellules du cerveau qui va entraîner des secousses involontaires chez le patient. Autrement, c’est un genre de court-circuit qui survient dans le cerveau et qui provoque des mouvements incontrôlés pouvant toucher une partie ou tout le corps.
Est-ce une maladie courante au Bénin?
Selon l’OMS, c’est environ 50 millions de personnes dans le monde qui sont affectées par l’épilepsie. Au Bénin il y a plusieurs études qui ont été menées pour relever les statistiques sur la maladie. En général, 60 à 80.000 personnes vivent avec l’épilepsie dans le pays. Au sein de la population âgée de 15 ans et plus, huit sur mille personnes sont atteintes avec une prédominance masculine. En 2013, les recherches du Prof Adoukonou ont révélé au nord Bénin une prévalence de sept pour mille.
Comment se manifeste l’épilepsie ?
Il faut avant tout, distinguer la crise épileptique de la maladie épileptique. La crise épileptique est un dysfonctionnement transitoire du cerveau caractérisé par une décharge anormale des cellules cérébrales dans une ou plusieurs zones du cerveau. Pour parler de maladie d’épilepsie, il faut au moins deux crises spontanées.
La crise se manifeste par une désorientation, une perte de conscience ou des secousses d’une partie ou de tout le corps du patient. Ce dernier ressent également des sensations anormales visuelles, auditives ou gustatives. Dans les cas les plus préoccupants, l’individu présente des secousses involontaires de tout le corps. Il tombe, bave, urine et se mord la langue.
À quoi ressemble le quotidien d’un épileptique ?
Plus de peur que de mal. Par exemple, l’enseignant qui est en plein cours dans une classe et fait une crise d’épilepsie, peut se relever après quelques secondes à quelques minutes puis continuer probablement son enseignement. Par contre, si les crises sont récurrentes, très fréquentes et surviennent plusieurs fois dans la même journée, elles peuvent handicaper le quotidien de la personne.
Toutefois, il est déconseillé aux personnes épileptiques de faire certains travaux à risques. Par exemple, un marin qui travaille dans l’eau, s’il fait une crise d’épilepsie sous l’eau, il va se noyer et pourrait en mourir. Un pilote d’avion qui fait une crise épileptique expose les voyageurs. Un taxi-man qui fait sa crise au volant, ou un conducteur de taxi-moto ‘’zémidjan’’ qui fait une crise en pleine circulation, met sa vie et celles des usagers de la route en danger.
En réalité, le vrai problème des épileptiques, c’est la stigmatisation qu’ils subissent du fait de la maladie. Et c’est à ce niveau que nous devons agir en apportant la bonne information aux populations.
Quel est votre message de sensibilisation et de prévention ?
Il est important de retenir que l’épilepsie est une maladie et non un démon qui habite quelqu’un. Autre chose, lorsqu’il survient, il est conseillé de mettre le patient en position latérale de sécurité, au lieu de verser de l’eau sur l’intéressé, ou commencer à lui porter des coups. Il faut par ailleurs mettre la personne atteinte dans un environnement sécurisé pour lui et pour les autres. Ceci pour éviter que le patient ne se blesse lors des secousses incontrôlées de son corps.
Pas de prévention type contre l’épilepsie si ce n’est la prise régulière des médicaments prescrits par le médecin neurologue. Ces produits ont l’avantage de contrôler et d’espacer les crises.
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