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[Disparition]Annick Balley : un visage historique de la télévision au Bénin

Longtemps journaliste-présentatrice vedette sur la télévision nationale, Annick Balley est décédée le 14 février 2024 en France, des suites d’une maladie, à 59 ans. Voici le récit du parcours d’une doyenne qui a inspiré tant de vocations journalistiques au Bénin. 

Annick Balley, c’est 17 ans de métier comme présentatrice télé sans discontinuer sur l’ORTB. Un parcours sans surprise pour celle qui a toujours été fascinée par la télévision. Ses modèles dans le métier, les Français Henri Sannier, sur France 3, ensuite Christine Ockrent sur France 2, Anne Sinclair, Bruno Mathieu. Ce dernier avait un séduisant sens de la répartie qui n’a pas laissée Annick Balley indifférente. “C’est avec lui que j’ai appris à faire des répliques, il est excellent dans les punchlines. Sans gêne, il y va francho et moi j’adore”, confiait-t-elle.

Au commencement

Originaire d’Akpro-Missrété, Annick Balley a effectué tout son cursus scolaire dans l’enseignement catholique à Cotonou. Son bac en poche, la fille de parents enseignants qui rêvait des métiers d’art oratoire, avocat ou journaliste, fit le choix du second. Elle s’inscrit à l’Institut facultaire des sciences de la communication et de l’information, à Kinshasa en RDC. Après sa formation, elle fait ses débuts comme présentatrice du journal à l’OZRT, la télévision d’Etat sous le régime de Moboutou. “Personne ne portait de nom francisé, le président n’aimait pas ça. Moi, je débarque sans nom africain. Conséquence, je suis renvoyée à la section internationale, dont les tranches étaient dans la nuit”, se souvient-elle. 

De retour à Cotonou, Annick entame un stage à la télévision nationale pendant les “les années braises”, 1989-1990 période trouble de la fin du régime révolutionnaire de Kérékou… Un an après la Conférence nationale, précisément en janvier 1991, elle est recrutée. Elle devient agent de l’ORTB. 

“Je faisais des choses que personne ne faisait. Ce qui a permis de captiver l’attention du public et surtout des patrons”

Avec sa prestance, sa bonne diction, Annick est tout de suite positionnée comme présentatrice du journal de 23h00. La jeune journaliste se fait remarquer par un style vestimentaire audacieux, se présentant à l’écran en chemise et cravate. “Je faisais des choses que personne ne faisait. Ce qui a permis de captiver l’attention du public et surtout des patrons”, justifiait-elle fièrement en 2022. De l’édition de nuit,  la jeune présentatrice passe au 06h00 puis au 13h00. Elle restera présentatrice 17 ans durant, tâchant d’innover à chaque fois grâce à sa grande culture. “Il faut chaque jour apporter du neuf, toujours faire mieux que la veille. Je réécrivais tous les papiers. Je me rappelle qu’un monsieur disait ‘cette fille a le don de nous bluffer’. Il faut dire que ça a fait que certains me préféraient sur tel débat ou tel reportage”.

Des difficultés

Ce n’est pas toujours facile d’être femme présentatrice.  Etre vedette de télé comporte des risques qu’il faut savoir gérer selon la star indémodable de l’ORTB : “Vous êtes exposée à l’écran, vous êtes un fantasme. Vous descendez, vous avez plein d’appels. Si vous vous laissez aller, vous aurez un chapelet d’hommes dans votre vie. Il faut garder sa dignité”. 

L’autre difficulté concerne l’habillement très coûteux. “Si vous avez 5 jours de présentation dans la semaine, il vous faut changer de tenue chaque jour, et pas n’importe quoi. Imaginez le coût. On alignait les Super Wax tous les jours, sinon le téléspectateur vous regarde et se dit ‘celle-là n’a pas de tenues ou quoi’. Alors qu’on était à peine à 10 mille francs le mois pour les primes d’habillement à l’époque”. 

Les meilleurs souvenirs

Annick Balley a eu la chance de couvrir de grands évènements politiques au Bénin et en Afrique, synonyme de rencontre et d’entretien avec des personnalités de renom. Entre autres, Brutos-Brutos Ghali, secrétaire général de la francophonie, l’animal politique Albert Tévoédjrè… Mais, tout n’a pas été rose. La doyenne raconte deux épreuves vécues dans deux pays ouest-africains. D’abord lors d’un évènement au Burkina Faso : “c’est difficile d’approcher le Président Blaise Compaoré, à cause de sa garde rapprochée. Un garde du corps a voulu nous bousculer, je lui ai donné un coup de coude dans le ventre pour nous faire passer. Je lui ai dit : vous vous êtes ici, moi, si je rentre, on va me demander ce que j’ai ramené, donc laissez-moi faire mon boulot’”.

Ensuite, une grosse frayeur au Togo lors des élections après le décès d’Eyadema père : “C’était chaud bouillant, on nous a versé de l’essence pour nous brûler. Ensuite on s’est retrouvé entre la foule et la police qui s’affrontaient. C’était terrible, on s’en est sorti, mais vraiment c’était la grosse frayeur”. 

Figure inspirante en matière de journalisme au Bénin, Annick Balley conseille à la jeune génération de produire des contenus attrayants. Elle rappelle ses propres expériences en la matière : ”Avec Dakoudi Lucien, se souvient-elle, je faisais le tour des commissariats de Cotonou pour avoir de l’info”. 

Rédactrice en chef avant de se retirer momentanément pour diriger la chaîne panafricaine Maisha Tv, Annik Balley a ensuite occupé le poste de chef du service des programmes puis celui de chargée de mission du Directeur général jusqu’à son décès.

Solange Kaï Allagbé

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