Les partis politiques engagés aux dernières élections législatives doivent désormais déposer leurs rapports financiers de la campagne électorale auprès de la Cour des comptes. L’institution vient de rappeler cette obligation aux partis à travers un communiqué.
Après les dépenses, voici le moment des comptes. Les sept partis ayant battu campagne lors des législatives de janvier dernier vont à présent justifier leurs dépenses auprès de la Cour des comptes. Ce n’est pas une simple formalité dans la mesure où les fautes sont passibles de sanctions comme l’amende, la déchéance de mandat, l’inéligibilité. Voici ce qu’il faut savoir de la vérification des comptes de campagne aux législatives.
1. Compte prévisionnel de campagne
Les comptes de campagne sont précédés des comptes prévisionnels déposés en amont des élections par les candidats, en l’occurrence les listes en compétition à savoir 7 partis politiques. Selon le code électoral (art.98), c’est 40 jours avant les élections que les partis communiquent à la Cour des comptes, leurs prévisions de dépenses.
2. Dépôt des comptes de campagne électorale
Après les élections, interviennent les rapports d’exécution des comptes prévisionnels par les partis politiques candidats aux législatives. Le délai pour fournir à la Cour des comptes ces rapports est de 60 jours après la proclamation des résultats définitifs, soit le 12 mars prochain comme le rappelle le communiqué de l’institution, les résultats ayant été proclamés le 12 janvier.
Selon le code électoral (art.99), les partis déposent les comptes de campagne en y joignant les pièces justificatives.
3. Publication, observations, dénonciations, sanctions…
Après réception des comptes, la juridiction financière les publie pendant 15 jours. Cette publicité est destinée à recueillir les observations des partis et des candidats sur les différents bilans financiers.
La Cour, suite aux vérifications comptables, dénonce, le cas échéant, tout dépassement de seuil de dépenses autorisé, au juge pénal compétent. S’agissant des élections législatives, c’est le tribunal de première instance de Cotonou qui connaît des irrégularités.
4. Limitation des dépenses de campagne électorale
Lors de la vérification des comptes de campagne électorale, la Cour des comptes questionnera notamment le respect par les partis du plafonnement des montants des dépenses. Ce plafonnement est de 30 millions de francs par candidat, soit 3,270 milliards par parti pour les 109 candidats titulaires.
Mais ce n’est pas tout, ce plafonnement ne concerne que les dépenses éligibles au titre de dépenses de campagne électorale qui sont exclusivement celles engagées par les actions de promotion des candidats pendant les 15 jours de campagne. De ce fait, le cautionnement exigé des candidats lors de la candidature ainsi que les frais occasionnés par la constitution des dossiers ne sont pas pris en compte dans les dépenses de campagne électorale.
5. Remboursement des frais de campagne
Le remboursement des frais de campagne électorale est lié à la vérification des comptes. En effet, selon l’article 100 du code électoral, “l’Etat alloue un forfait par candidat élu”. Et “en tout état de cause, le forfait à rembourser ne peut être inférieur à 10 millions de francs par candidat élu sans toutefois être supérieur au montant total des dépenses mentionné dans le compte de campagne”.
6. Sanctions du dépassement des frais de campagne électorale et du non respect du non dépôt des comptes de campagne
“Est condamné à une peine d’amende de cinq millions (5.000.000) à cinquante millions (50.000.000) de francs CFA, à la déchéance et/ou à une peine d’inéligibilité de un (01) an à cinq (05) ans, tout parti politique ou tout individu prenant part aux élections du président de la République, des membres de l’Assemblée nationale, des membres des conseils communaux ou municipaux et des membres de conseil de village ou de quartier de ville qui aura engagé pour la campagne électorale, par lui-même et/ou par une tierce personne, des dépenses au-delà des quantums fixés par la loi. Sont punis des mêmes peines les candidats individuels ou les partis politiques qui ayant pris part au scrutin s’abstiennent, dans les soixante (60) jours qui suivent le scrutin ou l’élection, de déposer contre récépissé auprès de la juridiction compétente en charge des Comptes, le compte de campagne accompagné des pièces justificatives des dépenses effectuées. Toutefois, les formations politiques concernées peuvent, après paiement de l’amende, participer à toute consultation électorale”. (Article 262 du code pénal).
Aux sanctions prévues à cet article, s’ajoutent d’autres qui en sont la conséquence à savoir la déchéance de mandat :
“Tout candidat aux élections du Président de la République, des membres de l’Assemblée Nationale ou des conseils communaux ou municipaux et des membres des conseils de village ou de quartier de ville, condamné à une peine de déchéance des droits civils et politiques est de plein droit frappé d’inéligibilité pour la durée de la condamnation et au cas où le vote est acquis, son élection est frappée d’invalidité“.
Fossé entre théorie et pratique
En pratique, le contrôle des comptes de campagne électorale au Bénin soulève des questionnements quant à sa faisabilité voire sa crédibilité. En effet, à l’exception de la condamnation inédite de de Lionel Zinsou courant 2019 pour dépassement de frais de campagne électorale entre autres, la vie politique béninoise n’a presque jamais connu d’événements majeurs liés aux dépenses des candidats aux élections. Les partis et candidats aux différentes élections seraient-ils si respectueux des normes prescrites en matière de dépenses électorales ? Pas si sûr !
Dans ses rapports sanctionnant l’examen des comptes de campagne des élections de 2015 (communales et législatives), la Chambre des comptes de la Cour suprême relevait entres autres insuffisances : “l’absence totale ou partielle de pièces justificatives, l’exécution de dépenses non éligibles, des factures non certifiées, des factures fictives…”. Ancien président de la Chambre des comptes qui a désormais laissé place à la Cour des comptes, Maxime Bruno Akakpo relève aussi “l’impossibilité pour la Chambre des comptes d’établir la sincérité des comptes dans un contexte des affaires dominé par l’informel”.
Dans ce contexte, les citoyens pourraient êtres insatisfaits des verdicts de la Cour des comptes sur les comptes de campagne en considération des folles dépenses flagrantes chez des candidats lors des élections. “Ce que je regrette est que les juridictions saisies ne vont pas loin dans les enquêtes. Il faut que le parquet qui est saisi des dépassements fasse son travail. La Chambre des comptes qui reçoit aussi les comptes peut sur la base des pièces justificatives interpeller et obtenir des informations”, suggérait en 2015 le juriste Serge Prince Agbodjan dans une interview à La Nation.