Sale temps pour la CEDEAO en 2020. Après le Mali, c’est au tour de la Guinée d’éprouver l’organisation communautaire avec des violences électorales nées d’élections controversées. Mais au-delà de la situation guinéenne, les foyers de tensions se multiplient dans la sous-région au nez d’une CEDEAO débordée voire impuissante.
Alors que la CEDEAO n’en a pas fini avec l’embarrassante crise malienne ayant mis aux prises la rue et un pouvoir légalement en place, la voici face au terrain guinéen. Elle y a couru déjà en compagnie d’autres organisations, l’UA et l’ONU en l’occurrence, depuis dimanche 25 octobre pour une mission d’extinction des feux. “Nous sommes ici dans le cadre d’une mission de diplomatie préventive suite à l’élection présidentielle”, a déclaré le président de la Commission de la CEDEAO. N’est-ce pas trop tard pour une mission dite “préventive” ?
La réélection violemment contestée du président Alpha Condé pour un controversé troisième mandat est déjà actée après la proclamation des résultats provisoires. Et maintenant que peut la communauté internationale, la CEDEAO en tête ? Les marges de manœuvres sont bien faibles à cette étape de la crise.
La tâche s’annonce ardue pour la CEDEAO
Le réalisme commande de n’espérer mieux qu’un accord de partage de pouvoirs entre le président réélu et ses adversaires, en premier l’ancien chef du gouvernement Cellou Dalein Diallo. Mais cette vieille recette appliquée ailleurs en Afrique notamment au Zimbabwe en 2008 a montré ses limites. Et on en est loin d’ailleurs. Car le perdant officiel s’était déjà autoproclamé président élu.
Mes chers compatriotes,
Il n’y a pas d’alternative à la poursuite du combat. Cette élection, nous l’avons gagnée haut les mains. Nous devons tout faire pour protéger et défendre notre victoire.
Pas de recul ! pic.twitter.com/aXmCH54sC9
— Cellou Dalein Diallo (@Cellou_UFDG) October 25, 2020
Pourtant, rien dans la situation en cours en Guinée ne doit étonner personne. Les alertes ont été lancées, les signaux étaient clairs : les violences déclenchées par la quête de troisième mandat par Alpha Condé allaient embraser le pays. Et nous y sommes. Le bilan officiel des affrontements entre forces de l’ordre et manifestants livré par les autorités fait état d’une dizaine de morts, près de deux fois plus selon l’opposition. Et ce n’est pas tout.
Côte d’Ivoire, Nigeria, et … ?
En Côte d’Ivoire, ça gronde aussi. Le passé douloureux de ce pays fait craindre le pire. Ce pays voisin de la Guinée ne partage pas que des frontières avec cette dernière. Là aussi, la crise pré-électorale a pour fondement la candidature du président sortant à un troisième mandat jugé anticonstitutionnel par ses adversaires mais autorisé au nom d’une réforme constitutionnelle intervenue en 2016. Des poids lourds de la scène ivoirienne comme Laurent Gbagbo en exil en Belgique et Guillaume Soro exilé à Paris, ont été écartés du jeu et au pays deux acteurs majeurs en lice pour les élections du 31 octobre ne cessent d’appeler à la désobéissance civile. On compte déjà des morts. Comme en 2010. Comme en 2002.
Mais comme à Conakry, à Abidjan non plus, la CEDEAO n’a encore rien pu faire pour calmer les tensions qui se multiplient. Le géant nigerian diplomatiquement influent dans la CEDEAO est aussi en crise. La jeunesse gronde contre les violences policières. Un mouvement de rue sans précédent secoue le pays le plus peuplé d’Afrique et traînant l’une des nébuleuses terroristes du continent, Boko Haram. Il est peu probable que les dirigeants de ce pays s’empressent d’instiguer une quelconque pression de la CEDEAO pour calmer les feux ailleurs.
Le calendrier électoral ouest-africain bien chargé en ces fin 2020 et début 2021 pose clairement des défis à l’organisation communautaire la plus active du continent. Car pouvoir négocier sans anicroche les élections en cours et à venir en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Ghana, Niger, au Bénin… dans un contexte sécuritaire fragile est bien un casse-tête. Et les tableaux offerts par la Guinée et la Côte d’Ivoire n’augurent pas de perspectives rassurantes.