Le Bénin regorge de nombreux écrivains talentueux. A travers leurs plumes, ils s’expriment sur divers sujets sociopolitiques et culturels. Mais avant l’étape de la publication de leurs ouvrages, la plupart des auteurs béninois doivent faire face à des obstacles. Ces défis, à la fois financiers et institutionnels, freinent souvent l’accès à un public plus large ainsi qu’à la reconnaissance internationale de leurs œuvres.
Wilfried Roland Bognon philosophe, communicateur et accompagnateur de couple est auteur de deux ouvrages sur les conditions de vie en milieu carcéral. A travers cette interview, il partage avec nous son expérience.
SRTB: Parlez nous de vos débuts en tant qu’écrivain
Wilfried Bognon : J’ai été incarcéré en 2019 pendant 6 mois. Au départ j’étais choqué par tout ce que je voyais dans cette maison d’arrêt. Des femmes enceintes, des bébés obligés de vivre dans des conditions difficiles à cause du statut de “détenue” de leurs mères. Des mères de familles privées de l’affection de leurs progénitures, des foyers disloqués à cause de l’emprisonnement. C’est alors que le vécu des femmes détenues m’a inspiré. La question fondamentale pour moi, c’était : que deviennent les enfants nés au sein d’une prison ? ‘’Sous le ciel noir” parut ainsi en 2021 et aborde les conditions de vie des femmes en milieu carcéral. “Chronique d’une expérience de vie carcérale”, est sorti en 2024 et abonde dans le même sens que le précédent. Un troisième ouvrage est en cours et va paraître très bientôt.
SRTB: Quelles sont les difficultés rencontrées sur le chemin de la publication de ces ouvrages ?
Sans financement, la publication d’une œuvre littéraire est presque impossible. Il faut pouvoir couvrir les frais liés à la correction du manuscrit et à l’édition. Ensuite il faut faire face aux coûts d’impression de l’ouvrage, la couverture médiatique du lancement, la promotion du livre. Plusieurs écrivains béninois, sont bien souvent issus de milieux modestes donc réunir les fonds nécessaires pour le lancement de l’ouvrage est bien contraignant. Il faut parfois solliciter des prêts ou alors demander auprès de vos connaissances des subventions.
‘’Par exemple au lancement de mon ouvrage, j’ai distribué 56 cartes et offert 25 livres gratuits à quelques personnes mais franchement je n’ai vu que 4 personnes le jour du lancement se remémore t-il. L’autre aspect de la question est que les béninois ne lisent pas et n’achètent pas les livres des béninois. ‘’Ils préfèrent les œuvres d’auteurs étrangers’’ se plaint t-il.
SRTB: Comment s’est passée la collaboration avec la maison d’édition ?
L’autre difficulté rencontrée par les écrivains béninois réside dans l’absence d’infrastructures adéquates pour la publication et la diffusion de leurs ouvrages. Le marché éditorial béninois est relativement restreint, et peu d’éditeurs locaux sont en mesure de financer et de promouvoir efficacement un livre. Les écrivains sont contraints de s’auto -éditer ce qui représente un lourd investissement pour l’auteur. L’Etat pourrait apporter sa contribution financière lors des publications ou signer des partenariats avec les maisons d’édition dans le but de donner plus de visibilité aux auteurs. C’est vrai que des ouvrages d’auteurs béninois sont introduits dans les programmes académiques mais je pense qu’il en faut plus, conclut -il .
SRTB: Les auteurs béninois sont-ils présents sur le marché international?
La question de la distribution demeure un casse-tête pour les auteurs. Les librairies sont peu nombreuses et la vente en ligne n’est pas suffisamment développée pour assurer une large diffusion des ouvrages béninois. Le faible pouvoir d’achat des populations ne facilite pas non plus l’accès aux œuvres littéraires. Aussi la traduction des œuvres dans d’autres langues comme l’anglais ou l’espagnol est souvent absente ou insuffisante souligne Wilfried Roland Bognon.
SRTB: Quels sont les défis qui s’imposent aux écrivains à l’ère du numérique ?
Avec le numérique, les écrivains sont obligés de s’adapter à de nouveaux formats de publication : livres numériques, articles de blog, publications sur les réseaux sociaux, podcasts, récits interactifs, etc. Cette diversité de supports impose aux lecteurs de nouveaux modes de consommation livresque dont les auteurs devraient tenir compte pour se maintenir sur le marché. Parallèlement, la transition vers le numérique peut affecter la manière dont les écrivains conçoivent leurs œuvres, précise Wilfried Roland Bognon.
